IDA GÖRRES, chrétienne convaincue et soeur du fondateur de la Paneurope
LETTRE EUROPÉENNE DE LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE COUDENHOVE-KALERGI, écrivainne Professeur Anita Ziegerhofer, Université de Graz
« Ce n’est qu’ainsi qu’un mouvement qui, par grâce, a vu le jour parmi nous peut se rapprocher sans trop de détours et de revers de son objectif : la réconciliation de nombreuses étrangetés d’espaces et de temps dans l’ardeur déclinante dont émerge étonnamment le nouveau visage de l’église. Car un nouveau salut ne sortira que d’un nouvel amour. » (Görres, Be-Denkliches, 1968)
Ces mots, Ida Görres les emploie dans un souci de renouveau de la spiritualité laïque. Mais ils peuvent tout aussi bien s’appliquer à l’idée de l’Europe. Ce mouvement qui, par grâce, a vu le jour parmi nous peut signifier d’une part le mouvement paneuropéen lancé par le frère d’Ida, Richard Coudenhove-Kalergi, mais aussi le processus d’intégration commencé en 1946. Et c’est justement de la réconciliation de nombreuses étrangetés qu’a émergé étonnamment le nouveau visage de l’Europe après une seconde guerre mondiale dévastatrice.
Ces mots d’Ida Görres reflètent aussi parfaitement sa vie : née le 2 décembre 1901 à Ronsberg, sixième enfant du comte impérial Heinrich Coudenhove-Kalergi et de son épouse Mitsuko Aoyama, elle passa son enfance dans sa patrie, comme elle appelait le château de Stockau. Les maîtres qui l’ont le plus influencée sont la forêt et les livres. Görres décrit sa vie comme une sphère creuse : opaque à l’extérieur, miroitante à l’intérieur, hermétiquement soudée. Elle emploie aussi cette métaphore de la sphère creuse pour son temps en internat au Sacré-Cœur à Vienne, puis chez les sœurs de Mary Ward à St. Pölten. Les détours et les revers font également partie de sa vie qu’elle consacra à la quête de famille. Cette recherche la conduisit durant deux ans (1923 à 1925) au noviciat dans l’ordre de Mary Ward ; à partir de 1925, elle fut membre actif du « Bund Neuland », lieu de rencontre de jeunes étudiants qui voulaient « créer une ère nouvelle », une sorte de tiers-ordre laïc moderne. Bien que Görres ait considéré le Neubund comme lieu de foi et de religion, il était devenu aussi pour elle une sphère creuse. Ida Görres partit pour l’Allemagne où elle devint membre du cercle Quickborn fondé par Romano Guardini. En 1935, alors aide pastorale à l’évêché de Meißen, elle épouse Carl-Josef Görres. C’est avec lui qu’elle voulait trouver la famille, mais les époux eurent la douleur de voir leur union rester sans enfants. Peut-être les nombreux livres et écrits qu’elle rédigea furent sa famille. Elle écrivit sur des saints et contribua ainsi à développer l’hagiographie de l’église catholique.
Ida Görres était déjà célèbre dans les années trente et compte aujourd’hui parmi les femmes les plus importantes de l’église catholique. Tandis que Richard Coudenhove-Kalergi se consacrait à sa conception visionnaire d’une Europe unie, sa sœur Ida Görres se concentrait de son côté sur le christianisme qui est l’un des piliers fondamentaux de l’identité européenne
Soixante-cinq ans jour pour jour après la mort de son père, le 14 mai 1971, Ida Görres s’effondre durant une séance de préparation au Synode de Wurtzbourg et décède le 15 mai. Lors du requiem au Münster de Fribourg, l’homélie fut prononcée pat Josef Ratzinger, futur pape Benoit XVI (2005 à 2013). La mort de Görres marque la fin de sa quête de famille qu’elle a désormais retrouvée. Après toutes les souffrances liées à des maladies, la phrase citée en introduction « car un nouveau salut ne sortira que d’un nouvel amour » prend une signification particulière : pour Ida Görres, la mort dut signifier le « salut » et le nouvel amour se manifeste dans le fait que, malgré une relation sans tendresse avec sa mère sa vie durant, elle tint à ce que celle-ci fût enterrée en kimono blanc. Peut-être cette réconciliation entre de nombreuses étrangetés d’espaces et de temps constitue-t-elle une forme de « nouvel amour ».
Comments
Post a Comment